L'Opération Market Garden est une opération militaire alliée essentiellement aéroportée, principalement menée par les armées britanniques, pendant la Seconde Guerre mondiale, qui eut lieu en septembre 1944. Il s'agissait d'une tentative de prendre des ponts au-dessus des principaux fleuves des Pays-Bas occupés par les Allemands, ce qui aurait permis aux Alliés de contourner la ligne Siegfried et d'accéder à l'un des principaux centres industriels de l'Allemagne, la Ruhr.
Cette initiative proposée par Montgomery avait rencontré l'opposition des généraux américains, Patton et Bradley, qui voulaient continuer leur offensive au sud. En fait la vraie motivation du field-marshal britannique tenait plus du domaine de l'égo que d'une réelle logique stratégique. Selon les témoignages rapportés par le journaliste américano-irlandais Cornelius Ryan, la mésentente entre le commandant en chef du 21° Groupe d'Armées anglo-canadiennes et le général Dwight Einsenhower, général en chef des forces alliées, atteignait à cette époque des sommets et l'on n'était pas loin du point de rupture entre ces deux fortes personnalités. C'est le moment que choisit Montgomery pour lancer son plan audacieux d'opération aéroportée qui devait permettre de débloquer une situation stratégique bouchée en permettant une percée directe sur la région de la Ruhr, cœur économique du IIIe Reich. Cette idée pour le moins aventureuse eut l'heur de plaire à Winston Churchill qui s'en fit le plus convainquant des avocats et obtint gain de cause. Il est vrai que, si cette opération avait réussi, elle aurait considérablement raccourci la durée de la guerre et ouvert de nombreuses et interessantes opportunités militaires et politiques aux Alliés.
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Fin août 1944, les Alliés viennent de libérer Paris, la Seine est franchie, une avance de 15 jours est constatée sur le calendrier. Dès lors, le général Dwight D. Einsenhower estime que la pause prévue sur le fleuve n'est plus nécéssaire. En un peu plus de deux semaines, le Nord-Est de la France (à l'exception de l'Alsace-Lorraine et des Vosges) et une grande partie de la Belgique sont libérés. Un temps d'arrêt est marqué.
L'objectif initial de rentrée en Allemagne est la région industrielle de la Ruhr, mais deux approches sont proposées: les Américains Patton et Bradley proposent de percer en direction de la ligne Siegfried qu'ils pensent être une coquille vide au moment des opérations. Le Britannique Montgomery suggère quant à lui, de contourner cette ligne par une audacieuse opération combinée en Hollande. Einsenhower tranche en faveur du Britannique et laisse Patton sur le carreau en allouant le gros du carburant au maréchal britannique.
L'objectif final de l'opération combinée est de faire passer les blindés de l'autre côté du Rhin à Arnhem afin de se diriger directement vers la Ruhr et terminer ainsi le conflit plus rapidement. Pour cela, ces derniers doivent franchir les nombreux fleuves et canaux que compte la Hollande. Les troupes aéroportées ont donc pour mission de s'emparer des ponts intacts situés sur la route Eindhoven-Nimègue-Arnhem tandis que les blindés devront parcourir les 107 km qui les séparent d'Arnhem le plus rapidement possible. Les renseignements qui parviennent à l'état-major (en provenance notamment de la résistance hollandaise et également des reconnaissances aériennes) font état de mouvements de blindés SS sur Arnhem, mais un certain optimisme règne alors parmi le commandement britannique. Aussi le déclenchement est-il avancé au 17 septembre 1944. Voyons en détails les objectifs de chaque force:
Pour cette opération l'essentiel des forces aéroportées alliées y sont engagées, le tout étant coiffé par le général britannique Browning.
- la 101e Division aéroportée américaine du général Taylor sera larguée au nord d'Eindhoven pour s'emparer des ponts du canal Wilhelmine et du canal Willems
- la 82e Division Aéroportée américaine du général James M. Gavin sera larguée au sud de Nimègue pour prendre possession des ponts de Grave sur la Meuse et de Nimègue sur la Waal ainsi que du canal reliant ces deux fleuves.
- enfin la 1re Division Aéroportée britannique du général Urquhart sera larguée au nord-ouest d'Arnhem afin de s'emparer de son pont.
Ce dispositif est complété par la brigade parachutiste polonaise du colonel Sosabowski. Après la prise des objectifs, les troupes aéroportées devront attendre la venue des blindés. La 1re DAB hérite ainsi de la mission de tenir Arnhem pendant quatre jours. Au total, ce sont 34 000 combattants qui viendront du ciel (soit largués en parachutes, soit transportés en planeurs) pour ce qui sera la plus grande opération aéroportée de tous les temps.
C'est au XXXe corps d'armée britannique du général Horrocks qu'incombe la tâche d'effectuer la percée jusqu'à Arnhem depuis la tête de pont de Neerpelt, le XIIe corps d'armée couvrant son flanc gauche et le VIIIe corps d'armée son flanc droit. Dans le même temps, la Ire armée américaine lancera une offensive sur la Meuse. Montgomery prévoit l'arrivée du XXXe corps d'armée à Arnhem entre deux et trois jours après le déclenchement de l'opération.
Du côté allemand, le général Model, commandant le Groupe d'armées B, vient de recevoir en renfort la 1ère armée parachutiste et deux divisions SS, la 9e Panzerdivision SS Hohenstaufen et la 10e Panzerdivision SS Frundsberg. Ces deux unités blindées d'élite sont sous les ordres du SS Obergruppenführer Wilhelm Bittrich car elles sont intégrées au II° SS Panzerkorps (Corps Blindés SS). Le PC de Bittrich est d'ailleurs proche d'Arnhem tout comme celui de Model.
Le dimanche 17 septembre 1944, après des bombardements importants, les premiers parachutistes sont largués, les premières vagues tombent prés du QG du général Model, qui doit l'évacuer. Mais un planeur américain transportant des troupes a été abattu et les Allemands découvrent sur le corps d'un officier américain, tous les plans de l'opération Market-Garden. De suite, Bittrich donne ordre à ses deux divisions de bloquer l'accès du pont d'Arnhem. Les Britanniques ne progressent pas vite, ils ont des problèmes radio, les liaisons ne passent pas entre Arnhem et les zones de saut. À la tombée de la nuit du 17 septembre, les hommes du bataillon du colonel Frost arrivent à la hauteur du pont d'Arnhem. Pendant ce temps, au sud, les Américains ont pris le pont de Grave mais peinent sur celui de Nimègue. En revanche les objectifs du général Taylor ont tous été atteints. Les blindés des Irish Guards eux aussi ont du mal à progresser. Ils sont pris à partie par les parachutistes allemands récemment arrivés. Le 18 septembre, la liaison est établie entre le 30e corps d'armée et les parachutistes américains. Mais la progression a été plus lente que prévue. La 1ère Division Aéroportée britannique est à présent au complet ce qui vaut mieux car les Allemands font le forcing pour reprendre la totalité d'Arnhem. Le 19 septembre, les premières unités du 30e corps d'armée sont à Nimègue. Mais à une quinzaine de kilomètres, les Britanniques ont beaucoup de problèmes pour tenir le nord du pont d'Arnhem. Le bataillon Frost a transformé toutes les maisons en fortin. Voyant l'échec se profiler, le général Urquhart décide de regrouper ses troupes, sauf celles de Frost, pour essayer de fixer les Allemands. Ceci, dans l'objectif d'aider les Britanniques du 30e corps d'armée et de soulager le colonel Frost.
Le 21 septembre 1944, soit quatre jours après le début de l'opération, le colonel Frost compte ses hommes : ils sont moins d'une centaine à tenir la sortie nord du pont d'Arnhem. Le réduit constitué par Urquhart ne peut joindre les Polonais de Sosabowski qui ont été largués peu de temps auparavant. Afin d'éviter une destruction totale de la première division aéroportée le général Urquhart décide d'évacuer afin de tenter de rejoindre les lignes américaines et celles du 30e corps d'armée. Le 25 et 26 septembre, soit 9 jours après les premiers largages, les rescapés regagnent les lignes alliées.
L'opération est un échec complet sur le plan des effectifs engagés, en revanche c'est un demi échec pour les objectifs. Depuis ce temps, et en mémoire des Diables Rouges tombés, notamment ceux du colonel Frost, les parachutistes britanniques portent un ruban noir derrière leur béret ; mais la légende des anciens du Parachute Regiment veut que ce soit en souvenir de la trahison de l'un des leurs, un parachutiste capturé qui aurait craqué sous la torture, que les parachutistes britanniques arborent un ruban noir à leur couvre-chef . Le colonel Frost et ses hommes ont été des hommes d'honneur, des combattants mais surtout des résistants. D'assiégeants, ils sont devenus assiégés ; on leur avait demandé de tenir 2 jours, ils ont tenu plus d'une semaine, soit neuf jours et neuf nuits, sans renfort, ni repos.
Au total, du côté allié les pertes humaines s'élevèrent à 16 805 hommes tués, blessés ou prisonniers : dont 7 640 Britanniques et Polonais des 1st British Airborne Division et 1st Polish Parachute Brigade, 3 664 Américains des 82nd et 101st Airborne et 5 354 Britanniques pour le XXX Corps.
Du côté allemand le Generalfeldmarschall Walther Model estima à 3.300 le nombre des pertes de son groupe d'armées B ; mais des calculs récents avancent le chiffre de 8 000 soldats allemands hors de combat, dont au moins 2 000 tués.
Prés de 12 000 parachutistes furent ainsi perdus, et Montgomery dut constater que « Market Garden a réussi à 90 %... » En tout cas, l'opération porta un bien mauvais coup à Model : sa ligne de résistance sur les cours d'eau de Hollande avait été coupée en deux, et il dut rayer de ses effectifs environ 7.000 soldats et 95 blindés... Il s'agit néanmoins de l'un des derniers succès tactiques de l'Axe.
Avant le déclenchement de l'opération Market Garden, certains émettaient des doutes quant à la réussite plus qu'incertaine de l'opération, tel Browing (commandant du CA aéroporté) qui en vint à demander à Montgomery: « Combien de temps faudra-t-il aux blindés pour nous rejoindre ? — Deux jours, lui répond Montgomery. — Nous pourrons tenir quatre jours. Mais je crains bien, Monsieur le Maréchal, que nous n'allions un pont trop loin.»
Patton, quant aux occasions manquées faute de carburant, déclara : « J'étais alors convaincu, et la suite me donna raison, que nous n'avions pas d'autres Allemands devant nous que ceux qui se battaient. En un mot, il n'y avait pas de profondeur. »